Le luxe des vacances dans une maison de campagne...
Qu'est-ce qu'un
gîte rural ?
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Maison de campagne
Une maison à la campagne ou ailleurs, ça supporte beaucoup de choses, des Scarlett, des Norman Bates, mais pas tout, pas les 3 petits cochons. Alors moi, je suis prête maintenant à supporter une maison, à soutenir tous ces petits échafaudages de souvenirs, ce que je veux c'est recevoir mon monde. Oh la la ! Ils arrivent, ils m'avaient dit en fin d'après-midi. J'ai juste le temps de saluer tout le monde de la fenêtre du 1er, de la chambre cramoisi, ça, c'est un mot. Augustin me l'a ramené de l'école tout fier de dire :
"Ben Maman tu sais ce que ça veut dire cramoisi ?" "Heu ben c'est une couleur". — "Oui oui c'est rouge Maman, très rouge". Alors on aura la chambre cramoisie, avec des bons gros rideaux, c'est la chambre couple avec enfant, un lit double et un lit en fer garni, douillet, avec ses 4 boules de cuivre, elle est un peu vieillotte et mérite d'être aérée parce que dans cramoisi, il y a cra...
Mais celle-là ce n'est pas pour eux, vu que c'est un couple sans enfant, c'est l'un des couples fondateurs, les grands-parents, je les mets au rez-de-chaussée, dans l'ancienne chambre du commis, il y a deux lits d'angle, d'autres diraient des lits bateaux, avec de fameux édredons, une table de nuit entre les deux, une table, une chaise, j'en mettrai une deuxième. Au mur des chromos et des diplômes décorés, c'est une pièce merveilleuse parce qu'elle reçoit les honneurs du soir, elle est à l'ouest.
Moi si j'étais vieille je m'installerais là vers 5 - 6 heures pour faire des réussites, une Marie-Antoinette ou l'horloge, et quand les murs seraient tout dorés on m'appellerait pour le souper oui là bas on dit le souper, c'est vrai ça embrouille parce qu'à midi on dîne, le soir on soupe, le matin on déjeune, comme tout le monde, il y en a qui petit déjeunent ceux-là je ne veux même pas les recevoir.
Mais je ne suis pas encore vieille et j'ai du pain sur la planche, ils sont déjà dans la cuisine je prends le temps de descendre, je savoure chaque marche de notre nouveau vieil escalier, l'année dernière on avait encore une échelle de meunier pour aller à l'étage. Je traverse l'alcôve.
"Mais quelle surprise vous êtes déjà là !"
On s'embrasse, et ni une ni deux on regarde les nouveautés des lieux, la salle de bains n'est toujours pas finie, il y a deux transats à réparer et bien sûr tout le reste. Après, c'est chacun pour soi et j'embarque ma mère vers le petit escalier en pierre, c'est tout moussu et sombre par là, mais il faut monter bravement les marches pour trouver mon petit paradis : tu lèves la tête les lilas en fleurs, tu baisses la tête les coucous en fleur et ton nez qui s'affole.
C'est la Saint Bouquet. Il faut utiliser l'outil sacré : l'ébrancheur bec de perroquet au bout, tout au bout d'un bambou que l'on actionne avec une corde, d'un coup sec, la branche est coupée nette et rebondit dans l'herbe. C'est comme cela que l'on fait une multitude de bouquets pour les cheminées fatiguées, les fenêtres toujours fermées et les tables sans réussites. Le coucou que l'on ramasse avé les doigts est réservé au verre à moutarde et dessus de réfrigérateur.
Moi je pose mon nez non je le plonge dans chaque fleur de lilas coupée. C'est devenu comme un besoin, je coupe, j'inspire comme pour vérifier que je ne suis pas sourde. Pas sourde aux oiseaux les soirs d'été, pas sourde au premier réveil d'insectes, pas sourde au petit bruit que fait la tige de coucou quand on la coupe. C'est un bruit net, sans cri, franc comme s'il acceptait de devenir une belle couronne au centre de la table. Le coucou lui vous aide à ne pas perdre le goût, le goût des œufs mimosas et des anis de Flavigny.
Madeleine, Madeleine, hé oui ! J'en connais une, James Stewart la pleure et la pleurera toujours après ses vertiges...
Il est 16 heures, il fait déjà frais et nous fermons les fenêtres.
C'est l'heure du goûter pour les enfants, de faire les lits, d'allumer les lampes, et de récolter les orties...
C'est pas vrai ! Une soupe d'orties ! Mais c'est une vraie caricature de maison à la campagne, avec le retour à la nature et patati et patata. Ben oui peut-être, en tout cas la soupe verte dans les assiettes jaunes ça le fait et même plutôt deux fois qu'une, après c'est plus simple, une omelette aux pommes de terre avec les œufs du magasin ça va là ? Des tartines de cancoillotte, et Mamie aura bien apporté dans son panier un clafoutis aux abricots pour son petit chaperon.
Là je ne suis plus responsable. Il est 21 heures, il fait déjà nuit et nous fermons les portes.
C'est l'heure de la partie de Mah Jong, de prendre un petit alcool et d'allumer les bougies.
Voilà ce sera ça ma maison et plein d'autres choses aussi, la salle de bain trop froide pour se laver, les perce-oreilles sur les murs blancs, et les bras dévorés par les orties...
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