Le jardin
du bas

Le 1er jour, il m'a tout montré et raconté chaque époque de sa ferme. Nous étions en hiver et l'endroit m'a semblé triste parce qu'abandonné, délaissé un peu trop vite. Chaque lieu a un nom, venu des habitudes qu'on y avait, souvenir des activités pleines de la ferme et il est surprenant maintenant d'installer les transats à l'endroit dit du tas de fumier.

luxe campagne

Il y a un peu à l'écart un jardin en creux, à l'abri d'une digue ancien rempart de l'étang, clos de toutes parts. A l'appui de cette digue, s'élève les ruines d'un vieux moulin. On y rentre rarement de peur d'un ébouli.
C'est une jolie maison de deux pièces avec une alcôve et à l'abri des regards quelques dessins griffonnés à la hâte sur des murs par des soldats allemands, lassés de la guerre et de leur chef. Ce jardin est humblement le jardin du bas. Il y a bien des années que personne n'y travaille plus.

Chaque arbre, chaque plante se bat pour garder sa place et je suis surprise de voir au printemps avec quelle force la rhubarbe perce le sol de ses pousses rouges comme des chairs à vif.

L'odeur des cassissiers perdus flotte par endroit, et au printemps celui de la fleur de sureau et du lilas. Mais je ne saurais décrire l'étonnant spectacle de l'automne. Je suis de la ville et bêtement j'ai cru lontemps que la vigne vierge poussait sur les murs des maisons de quartier et que le lierre, lui s'installait en campagne. Le sol du jardin du bas est couvert de vigne, elle rampe, allonge ses tentacules et étrangle maintenant cet endroit secret. Rien ne l'arrête et elle s'unit toujours un peu plus aux arbres et aux murs. C'est comme une maladie et chaque automne elle éclate de rouge et semble me dire: "Regarde moi". Je la regarde et la trouve belle. Je ne sais pas si un jour je la détruirai